Coûts de la psychothérapie aussi élevés que prévu
Près de deux ans après le changement de système en psychothérapie, qui est passé du modèle de la délégation au modèle de la prescription, les études réalisées au moyen des données de décompte d’Helsana montrent que les coûts ont évolué comme prévu. Toutefois, la Confédération n’a pas tenu compte d’un effet majeur lors de ses prévisions.
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Depuis la mi-2022, les psychothérapeutes peuvent décompter leurs prestations de manière autonome dans l’assurance de base (AOS). Ils travaillaient auparavant par délégation, c’est-à-dire sous contrôle médical, auprès de médecins ayant une formation spécialisée spécifique, comme les psychiatres. Avant le changement de système, les thérapeutes indépendant·e·s avaient la possibilité de décompter des prestations au titre de l’assurance complémentaire (LCA).
Le changement de système doit permettre d’accéder plus simplement et plus rapidement à la psychothérapie et de réduire les insuffisances en matière de soins. En conséquence, on s’attendait à un transfert des coûts de l’assurance complémentaire et du paiement direct vers l’AOS. Depuis le changement de système, les médias parlent d’une explosion des coûts et d’une erreur d’estimation massive de la Confédération. Nous avons vérifié ces dires sur la base des données d’Helsana.
Les besoins en psychothérapie augmentent depuis des années
On constate une tendance à la hausse des prestations psychothérapeutiques avant même le changement de système. L’illustration 1 représente l’augmentation constante des coûts liés aux prestations psychothérapeutiques1 dans l’AOS au cours des cinq dernières années. Avant le changement de système, le taux de croissance s’élevait à environ 3,5 %. Dans l’assurance complémentaire, ces coûts présentaient même une augmentation plus forte avant le changement de système (13,5 %).
La comparaison avec 2022 n’est pas significative pour analyser avec pertinence le changement de système. Celui-ci a été instauré au milieu de l’année 2022 et avec un délai de transition ; la comparaison entre 2021 et 2023 reflète donc plus précisément l’écart de coûts. Comme prévu, l’augmentation dans l’AOS a été plus forte durant cette période que lors des années précédentes ; sur deux ans, elle a atteint environ 300 millions de francs (+51 %).
Illustration 1 : Coûts totaux des prestations psychothérapeutiques dans l’AOS

Transfert du marché privé vers l’AOS
Les coûts plus élevés dans l’AOS sont notamment dus au transfert à partir du marché privé de l’assurance complémentaire et des payeurs directs. Les données de l’assurance complémentaire Helsana illustrent ce transfert (Illustration 2) : on observe ici une forte baisse d’environ CHF 18.– à près de CHF 4.– par personne assurée entre 2021 et 2023.
Illustration 2 : Coûts par personne assurée au titre de l’assurance complémentaire Helsana

Une solution axée sur des partenariats tarifaires a été trouvée
Une autre raison expliquant la hausse des coûts dans l’AOS est le taux horaire supérieur des psychothérapeutes travaillant désormais de façon indépendante. Une heure de thérapie dans l’ancien modèle par délégation coûtait en moyenne CHF 135.–. Avec l’instauration du modèle de la prescription, des conditions d’admission plus sévères ont été prescrites. En outre, les thérapeutes sont responsables de la prestation thérapeutique fournie et doivent, du fait de leur indépendance, assumer eux-mêmes leurs cotisations à l’AVS, à la caisse de pension et à l’assurance-accidents ainsi que d’autres frais tels que le loyer, l’infrastructure informatique, etc. Un taux horaire plus élevé est donc justifié. Celui-ci a été négocié entre les partenaires tarifaires et approuvé par les cantons qui l’ont considéré comme économiquement rentable. Certains cantons ont fixé ce tarif en tant que tarif de travail.
Tout se déroule comme prévu
Dans le commentaire sur la nouvelle réglementation de la psychothérapie pratiquée par des psychologues2, le DFI a tablé sur une augmentation des coûts de l’AOS d’environ 100 millions de francs, rien qu’en raison du passage du modèle de la délégation au modèle de la prescription. De plus, le DFI prévoit des coûts supplémentaires de 167 millions de francs par an à des fins d’amélioration de la situation en matière de soins, même s’il n’a pas été précisé ce que l’on entend par « à plus long terme ». Un fait est néanmoins établi : les prévisions n’ont pas tenu compte de l’effet décrit sur le taux horaire, donc sur le tarif, bien que les coûts supplémentaires engendrés par l’activité indépendante étaient évidents.
Les données d’Helsana extrapolées à la population suisse ont permis de constater une augmentation des prestations psychothérapeutiques entre 2021 et 2023 d’environ 300 millions de francs. L’illustration 3 montre cette augmentation sur deux ans. Elle renseigne également la composition de cette augmentation : un transfert du domaine privé vers l’AOS, une adaptation du tarif et des besoins en prestations psychothérapeutiques croissants depuis des années. La date à partir de laquelle les coûts supplémentaires annuels de 167 millions de francs prévus par la Confédération seront générés n’a pas été définie. Près de deux ans après le changement de système, on constate toutefois déjà une partie de ces coûts supplémentaires.
La modification du tarif fait défaut dans les prévisions de la Confédération. Une comparaison exhaustive est donc impossible. Toutefois, les données de décompte d’Helsana montrent que le transfert et la tendance à long terme se situent dans le cadre prévu par la Confédération.
Illustration 3 : Prestations de psychothérapie prévues et réalisées 2021/2023

Un effet positif sur les soins est attendu dans l’avenir
L’estimation à moyen terme, c’est-à-dire dans un délai de trois à cinq ans suivant le changement de système, prévoit une demande accrue en psychothérapies. Cela parce que les besoins ne sont pas entièrement couverts actuellement et que l’accès à la psychothérapie est devenu plus facile. Cette évolution devrait varier en fonction des domaines spécialisés : à titre d’exemple, la psychothérapie pour enfants et adolescents souffre d’un manque d’offre depuis des années. La situation devient de plus en plus tendue et les voix qui s’élèvent en faveur d’une amélioration de la situation se sont faites plus fortes depuis le coronavirus. Il serait hautement souhaitable que l’accès facilité à la psychothérapie améliore la situation en matière de soins.
1Les prestations des psychothérapeutes comprennent les numéros TARMED 2.02 et 2.03 ainsi que toutes les prestations du nouveau tarif de psychothérapie.
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