La compensation des risques doit favoriser des soins de meilleure qualité

Lʼassurance-maladie suisse est organisée sur une base concurrentielle. En dʼautres termes, les assureurs-maladie, comme lʼensemble du secteur de lʼassurance, sont en concurrence les uns avec les autres pour attirer et fidéliser les assurés et gérer les coûts des sinistres. La concurrence donnerait en effet lieu à des résultats plus efficaces.

20.02.2023
Wolfram Strüwe
4 min

Dans lʼassurance obligatoire des soins (AOS), ces activités de gestion de portefeuille « normales » sont toutefois soumises à une importante restriction sociopolitique. Celle-ci prescrit une concurrence régulée. Lʼassureur-maladie est en effet tenu de souscrire le contrat sans avoir le droit de le résilier ni de sou-mettre lʼassuré à un examen de santé. Les assureurs-maladie dont les assurés sont en meilleure santé que les autres peuvent facturer des primes inférieures sur le marché, car les coûts de leurs prestations sont inférieurs. Ce sont surtout des individus en bonne santé qui choisissent cet assureur, qui peut alors proposer des primes encore plus basses lʼannée suivante. Lʼassureur qui pratique des tarifs plus élevés doit quant à lui facturer des primes encore plus élevées, car il doit financer le même volume de coûts de prestations avec un nombre dʼassurés plus faible. Ce phéno-mène sʼappelle la « sélection adverse ». Il conduit finalement à lʼeffondrement du marché. Pour lʼéviter, le système dʼassurance doit nécessairement comporter un dispositif de compensation des risques entre les assureurs. Les assureurs-maladie dont les assurés sont en meilleure santé doivent verser des indemnités à ceux dont les assurés ont une santé en moyenne plus fragile. Ces paiements portent uniquement sur les différences dans les structures de risque.

Sélection des risques peu attractive

La compensation des risques (CR) était organisée de manière très incomplète par le passé. Il était plus intéressant pour les assureurs-maladie, dans le cadre de la gestion de leur portefeuille, de pratiquer la sélection des risques lors du recrutement des assurés plutôt que la gestion des coûts des prestations pour les malades. En dʼautres termes, il faut œuvrer pour une meilleure prise en charge médicale des assurés dans le cadre dʼune concurrence régulée. La réforme législative a boule-versé cet équilibre en 2007. Le Parlement a définitivement ancré la CR dans la loi sur lʼassurance-maladie (LAMal) et a accordé au Conseil fédéral le pouvoir de la développer et de lʼaméliorer. Cette approche est censée ôter toute attractivité à la sélection des risques (voir illustration), et jeter les bases dʼune concurrence équitable entre les assureurs en vue de soins de meilleure qualité pour les malades.

La compensation des risques appliquée actuellement satisfait bien mieux cet objectif que lʼancienne. Les coûts de sélection ont augmenté considérablement. Pour certaines pathologies, il est devenu très attractif de mieux soigner les assurés en question grâce au mécanisme de CR. Tous les assureurs perçoivent au cours dʼune année, pour une maladie donnée, le même montant de la CR par assuré. Ce montant est calculé sur la base des coûts de tous les assureurs-maladie de lʼannée précédente pour cette maladie. Si un assureur-maladie parvient à réduire les coûts de traitement en dessous de ce montant de compensation des risques pendant lʼannée en cours, il bénéficie dʼun avantage de prime immédiat par rapport à ses concurrents.

Taux dommages/coûts par âge et par sexe : ce ne sont désormais plus les jeunes hommes qui attirent les assureurs maladie, mais les femmes et les personnes âgées.

Source : Reto Bürgin, Fabrice Perler, Lennart Pirktl, Monika Schmid-Appert : Risk Adjustment Network Conference, Portland, September 23–26, 2019

Prérequis pour la concurrence au niveau des prestations : lʼutilisation des données

Lʼutilisation des données internes de lʼassureur est indispensable à la mise en œuvre de cette concurrence des prestations. Les assureurs-maladie « connaissent » leurs assurés. Ils savent où ils habitent, ils connaissent leurs maladies. Sur la base des systèmes tarifaires médicalement pertinents, ils savent quelles prestations sont fournies, ils connaissent leurs volumes et les prestataires sur lʼensemble du parcours de soins.

En collaboration avec le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), lʼOffice fédéral de la santé publique (OFSP) a révisé au 1er janvier 2022 la circulaire 7.1 « Surveillance par lʼOFSP des domaines soumis aux dispositions de la LSAMal1, de lʼOSAMal2, de la LAMal3 et de lʼOAMal4 relatives à la protection des données ». Le passage suivant figure désormais à la page 7 sous le titre « 5.1 Le traitement des données visé à lʼart. 84 LA-Mal » :

« Ainsi, le traitement de données de santé et de profils de la personnalité en vue dʼidentifier des groupes cibles particuliers et dʼadresser aux assurés ainsi sélectionnés un courrier leur recommandant des mesures de promotion de la santé ou des médicaments nʼest pas compatible avec les bases juridiques citées. Une recommandation ciblée à des assurés sélectionnés sur la base dʼun état de santé ou dʼune maladie spécifiques nʼentre pas dans le champ de lʼart. 84 LAMal, car il ne sʼagit pas dʼune tâche dʼexécution déléguée à lʼassureur en vertu de la LAMal ou de la LSAMal. Ne reposant sur aucune base légale, un tel traitement de données personnelles est illicite et doit être proscrit. »

Des données pour de bonnes actions

Ces dispositions dans la circulaire empêchent les assureurs-maladie dʼutiliser leurs données pour permettre à leurs assurés un meilleur accès aux soins. À titre dʼexemple, ils ne sont même pas autorisés à écrire à leurs assurés concernés par certains groupes de maladies afin de les informer des différents canaux dʼapprovisionnement en médicaments.

Les bases réglementaires, ou leur interprétation par les autorités, entravent par conséquent précisément la concurrence de prestations visant à garantir de meilleurs soins, cʼest-à-dire lʼobjectif visé par le législateur dans sa réforme de 2007. Les effets positifs de la CR réformée ne peuvent donc pas du tout se manifester. Comme la réforme reste incomplète sur un point clé, elle sʼavère dysfonctionnelle. Cela devrait être changé.