Le recours accru à la tomodensitométrie constitue-t-il un risque pour les femmes enceintes ?

La tomodensitométrie (TDM) est un outil indispensable de la médecine moderne. Mais elle comporte des risques, surtout pour les femmes en âge de procréer. Une nouvelle évaluation d’Helsana montre que les applications de la TDM augmentent dans cette catégorie de population.

3.12.2025
Dr. med. Sabrina Stollberg, Dr. Sereina Graber
7 min

Que ce soit en cas d’urgence pour une embolie pulmonaire ou pour le suivi d’une tumeur, la TDM fournit des images en coupe à haute résolution du corps et permet un diagnostic rapide et précis. Toutefois, cet examen repose sur l’utilisation de rayonnements ionisants et présente donc des risques pour la santé, en particulier pour les femmes avant et pendant la grossesse.

Première analyse systématique en Suisse

Jusqu’à présent, il n’existait pas de données exhaustives en Suisse sur la fréquence des examens de TDM avant ou pendant une grossesse. Comme l’âge moyen des femmes au premier accouchement ne cesse d’augmenter, les maladies chroniques préexistantes, et donc la probabilité d’une indication de TDM, augmentent également. L’évaluation d’Helsana fournit pour la première fois des informations actuelles sur l’utilisation de la TDM de la cage thoracique au bassin – aussi bien chez les femmes enceintes que chez les femmes durant l’année précédant leur grossesse.

Davantage d’examens de TDM avant et pendant la grossesse

Dans son analyse, Helsana a inclus toutes les grossesses pour lesquelles un accouchement a été décompté entre 2014 et 2024 et pour lesquelles une couverture d’assurance continue existait depuis l’année précédant la grossesse jusqu’à la fin de celle-ci. Les résultats le montrent : en 2024, environ 1 femme sur 40 a effectué une TDM au cours de l’année précédant sa grossesse. Si on extrapole à l’ensemble de la Suisse, cela représente environ 1800 femmes. Pendant la grossesse, environ 1 femme sur 100 était concernée (environ 800 cas). Au cours des dix dernières années, ce chiffre a plus que triplé. Une comparaison avec une étude américaine montre des ordres de grandeur similaires : en l’espace de dix ans, la proportion de femmes enceintes ayant passé une TDM a augmenté de 0,4 à 1,1 %. Bien que le nombre absolu de cas soit faible, ce sujet reste pertinent, notamment au regard des risques potentiels d’irradiation et de la sensibilité spécifique de ce groupe de patientes.

Environ 50 % des TDM réalisées en 2024 concernaient la région de l’abdomen et du bassin, qui est considérée comme particulièrement sensible aux rayonnements en raison de sa proximité avec le fœtus. Des TDM ont été très souvent réalisées chez les femmes enceintes souffrant de maladies préexistantes, telles que des maladies respiratoires ou cardiovasculaires, ainsi que celles issues de Suisse romande.

Fig. 1 : Tomodensitométrie avant et pendant la grossesse1

Source: Helsana

Examens de TDM dans la population totale

Helsana a également analysé les chiffres TDM de l’ensemble de la population suisse. Ceux-ci présentent un schéma similaire avec une nette tendance à la hausse, même si elle n’est pas aussi prononcée que chez les femmes enceintes : en 2024, au moins une TDM du tronc a été réalisée auprès d’environ 7 % de la population totale, ce qui correspond par extrapolation à plus de 600 000 personnes. De nombreuses TDM ont été réalisées chez des personnes de plus de 80 ans : près d’une personne sur cinq dans cette classe d’âge a effectué au moins une TDM en 2024. Cependant, chez les femmes en âge de procréer, la TDM a presque doublé en dix ans, avec une part de 3,4 %. Dans cette classe d’âge, les femmes ont même eu tendance à recevoir un peu plus d’examens de TDM que les hommes. Ce constat est important, car chez les femmes, il faut tenir compte non seulement d’une éventuelle grossesse, mais aussi du risque de cancer radio-induit. Il est généralement deux fois plus élevé que chez les hommes.

Fig. 2 : Tomodensitométrie dans la population totale1

Source: Helsana

Radioprotection et évaluation des risques

Les rayonnements ionisants peuvent provoquer à la fois des effets déterministes (prévisibles) et stochastiques (aléatoires). Les effets déterministes, tels que les malformations, n’apparaissent qu’à partir d’une certaine dose seuil. En revanche, des effets stochastiques, tels qu’un risque accru de cancer, peuvent survenir à de faibles doses sans qu’un seuil fixe puisse être défini. Pour la grossesse, cela signifie que dans la phase précoce, le risque d’échec de l’implantation ou de malformations est le plus important, tandis que dans les phases ultérieures, ce sont les limitations cognitives et les effets stochastiques qui sont prédominants.

Une étude canadienne actuelle portant sur plus de cinq millions de femmes enceintes a analysé pour la première fois de manière systématique le lien entre la TDM avant la conception et les effets possibles sur le fœtus. Environ une femme sur huit a reçu au moins une TDM avant la conception, la dernière TDM ayant eu lieu environ quatre ans avant la conception chez la moitié des femmes. Les résultats suggèrent une augmentation modérée et dose-dépendante du risque de perte de grossesse et de malformations dues à l’exposition aux radiations. Cependant, les raisons médicales qui ont conduit à la réalisation de la TDM pourraient également avoir influencé le risque.

Les raisons de l’augmentation des examens de TDM

Selon l’OFSP, la forte augmentation des recours à la TDM entre 2020 et 2021 est principalement due aux nouvelles règles de codage. Cela a permis de couvrir un plus grand nombre d’examens, les chiffres ne pouvant être comparés que de manière limitée à ceux des années précédentes. À cela s’est ajoutée une augmentation des examens de tomodensitométrie du thorax pendant la pandémie de COVID-19. La littérature spécialisée aborde également les progrès technologiques, l’extension des indications cliniques telles que le dépistage du cancer du poumon, la médecine défensive et les changements démographiques avec une charge de morbidité croissante, comme facteurs supplémentaires. La grande disponibilité des appareils de TDM en Suisse, qui, selon l’OFSP, est la plus élevée par habitant en Europe, devrait également avoir un impact.

Vers plus de qualité et de sécurité dans l’utilisation de la TDM

En Suisse, les exigences en matière de radioprotection et d’assurance de la qualité sont déjà élevées. Mais comme de plus en plus d’examens de tomodensitométrie sont effectués, y compris chez les femmes en âge de procréer, il est important de réfléchir de manière critique aux critères de décision en matière de tomodensitométrie. Les études montrent que certains examens de TDM ne sont pas complets ou pas du tout justifiés d’un point de vue médical. Lorsque cela est possible, médicalement indiqué et disponible, il convient de privilégier les alternatives sans rayonnement telles que l’imagerie par résonance magnétique ou l’échographie. À l’avenir, les outils numériques et les algorithmes décisionnels basés sur l’IA pourront également contribuer à améliorer la qualité des indications. Le dossier médical électronique devrait également permettre d’éviter les examens multiples inutiles.

La mise en œuvre de la recommandation d’audit n’est pas contrôlée

Les audits cliniques réalisés par des collègues spécialistes sont obligatoires en Suisse depuis 2020 et complètent les audits de l’OFSP et les inspections, tout en encourageant la standardisation. Le Contrôle fédéral des finances constate toutefois que la mise en œuvre effective des recommandations issues des audits n’a pas encore été entièrement vérifiée. Un bilan de la mise en œuvre des audits cliniques doit être présenté au Conseil fédéral. S’il s’avère que les recommandations issues des audits ne sont pas mises en œuvre ou ne le sont que partiellement, des mesures appropriées devront être prises.

Outre ces aspects structurels, une communication claire et compréhensible entre les médecins traitants, les radiologues et les patientes reste également déterminante. Les risques doivent être présentés de manière réaliste, mais sans alarmisme. Bien qu’aujourd’hui, les doses de TDM se situent généralement bien en dessous des seuils critiques, un manque de connaissances subsiste quant aux effets (à long terme) possibles.

1 Les pourcentages indiqués sont basés sur des extrapolations pour l’ensemble de la Suisse. Ont été pris en compte les examens de TDM ambulatoires et stationnaires dans les régions corporelles du bassin, de l’abdomen, du thorax et de la colonne vertébrale. En cas de TDM réalisée dans le cadre d’une grossesse, l’année indiquée se réfère à l’année de naissance de l’enfant – l’examen lui-même peut donc également avoir été effectué l’année précédente. La ligne en pointillés indique la nette augmentation – principalement due aux examens de TDM stationnaires – en 2020/2021. Cette augmentation s’explique en partie par un ajustement des règles de codage qui ont permis de mettre en évidence des examens qui n’étaient pas recensés auparavant. La comparabilité dans le temps est donc limitée.
Références :
1. Simard et al., Annals of Internal Medicine, 2025
2.Kwan et al., JAMA Network Open, 2019;
3. Bouëtté et al. Insights into Imaging, 2019
4. OFSP, EFK, Évaluation des mécanismes visant un usage approprié de l’imagerie médicale, 2025 : https://www.efk.admin.ch/fr/audit/mecanismes-visant-un-usage-approprie-de-limagerie-medicale/