Prendre soin du partenariat tarifaire
Eliane Kreuzer est directrice de la communauté dʼachat HSK et responsable de lʼachat de prestations médicales pour lʼassurance obligatoire des soins (AOS). Elle représente les assureurs Helsana, Sanitas et KPT. Elle nous explique dans cette interview comment se déroulent les négociations de prix et quels sont les plus grands défis à relever.
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Eliane Kreuzer, quel est le dossier qui vous occupe le plus actuellement ?
La saison des négociations qui débute à lʼautomne, au cours de laquelle nous renégocions les tarifs avec les fournisseurs de prestations, sʼannonce particulièrement ardue. Cette année, les fournisseurs de prestations ont résilié 138 contrats – un niveau jamais atteint auparavant. Nous sommes, par ailleurs, engagés dans 37 procédures de fixation de tarifs dont huit font lʼobjet dʼun recours au Tribunal administratif fédéral. Ces dernières années, les solutions axées sur des partenariats tarifaires sont devenues de plus en plus difficiles à gérer.
Était-ce différent lors de lʼintroduction du nouveau financement hospitalier en 2012 ?
Soucieux de garantir une transition sans accroc vers la nouvelle SwissDRG, nous avons recherché et identifié des solutions en tant que communauté dʼachat pour les assureurs-maladie Helsana, Sanitas et KPT. Ainsi, nous nʼavons compté quʼun tout petit nombre de procédures de fixation au cours de lʼannée tarifaire 2012.
Le cadre juridique est-il différent aujourdʼhui de ce quʼil était en 2012 ?
Le nouveau financement et la nouvelle planification des hôpitaux ont été introduits en 2012 dans le but de stimuler la concurrence entre les hôpitaux et dʼendiguer la croissance des coûts dans le domaine hospitalier stationnaire. La qualité des soins de santé devait, elle, être maintenue à un niveau élevé.
Les principes de fixation de la tarification nʼont donc pas changé depuis 2012. Les tarifs et les prix sont déterminés en fonction de la rémunération des prestataires de soins qui fournissent la prestation tarifée obligatoirement assurée dans la qualité nécessaire, de manière efficace et avantageuse.
Comment détermine-t-on le fournisseur de prestations qui fournit la prestation avec la qualité nécessaire, de manière efficace et avantageuse ?
Le processus repose sur une approche de benchmarking. Prenons lʼexemple de la structure tarifaire SwissDRG, utilisée pour les cas stationnaires aigus à lʼhôpital : tout dʼabord, on vérifie la plausibilité de toutes les données sur les coûts et les prestations des hôpitaux de Suisse. Les données sur les coûts plausibles sont comparées entre elles et le fournisseur de prestations efficace, cʼest-à-dire le benchmark, est déterminé. Le benchmark place HSK au 25e centile. Cela signifie que 25 % des hôpitaux présentent des coûts plus bas et 75 % des hôpitaux, des coûts plus élevés. Ce niveau sert de point de départ pour les négociations.

Tous les hôpitaux nʼont pas les mêmes prix, nʼest-ce pas ? Que se passe-t-il après lʼétablissement du benchmark ?
La deuxième étape de la détermination des prix consiste à mener des négociations individuelles sur les prix en tenant compte des spécificités et de la situation particulière de chaque hôpital. Pour ce faire, HSK a créé sur la base dʼindicateurs des groupes dʼhôpitaux présentant des similarités, appelés clusters, permettant ainsi de comparer des hôpitaux similaires. Cʼest sur la base de la valeur de benchmark et des clusters que HSK mène ses négociations tarifaires. Lorsque les partenaires tarifaires parviennent à une convention, celle-ci est soumise au canton pour approbation. Si aucune solution nʼest trouvée, le canton fixe le tarif.
Vous expliquez quʼil est de plus en plus difficile de trouver des solutions entre les partenaires tarifaires.
À quoi cela est-il dû ?
La principale raison, selon moi, est la suivante : les hôpitaux subissent des pressions économiques, suite à lʼintroduction du nouveau financement des hôpitaux et de la concurrence, voulues par le législateur. La pandémie a accentué ces pressions. Cʼest pourquoi les hôpitaux tentent dʼobtenir les tarifs les plus élevés possible. Ces dernières années ont également montré que les cantons jouent un grand rôle dans ces efforts. En effet, les cantons disposent dʼune large marge dʼappréciation découlant de la phase dʼintroduction du nouveau financement hospitalier en 2012 tout en occupant des rôles multiples. Ils sont propriétaires des hôpitaux, les financent et, de surcroît, agissent comme autorités de fixation des tarifs. Les hôpitaux comptent souvent de nombreux employés et constituent donc également des acteurs économiques de poids. Cʼest pourquoi les cantons sont très attentifs aux hôpitaux, ce qui se traduit par des fixations tarifaires favorisant « leurs » hôpitaux.
Cette large marge dʼappréciation prévaut-elle encore aujourdʼhui ?
Le Tribunal administratif fédéral laisse une grande marge dʼappréciation aux cantons, car la Confédération nʼa pas encore édicté dʼautres dispositions de mise en œuvre. Il y a trois ans, lʼOFSP a annoncé une adaptation en ce sens de lʼOAMal concernant la fixation des prix et la détermination des tarifs. La version qui nous est actuellement présentée rendra les négociations tarifaires plus complexes et plus longues. Il sera plus difficile de trouver des solutions viables. La finalité de la révision prévue de lʼOAMal est de promouvoir le partenariat tarifaire et de maîtriser les coûts. Dans la pratique, elle nʼentraînera quʼune surcharge de travail, moins de partenariat tarifaire et aucune maîtrise des coûts.
Que souhaitez-vous pour votre domaine dʼactivité ?
À lʼavenir, nous devrions nous concentrer davantage sur le partenariat tarifaire sans sʼen remettre aux cantons et aux tribunaux. Pour cela, nous devons tous être ouverts au compromis et disposés à chercher des solutions innovantes.